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Manifeste du Vide

  • Auteur présumé : Yana Poska (2167)
  • Titre original : Fragments du Vide
  • Origine : Fin de la Guerre Centaurienne – Dissidence post-UEF
  • Statut : Texte fondateur du mouvement libertaire spatial, cité par les dissidents de la Bordure Extérieure

Rédigé en 2167, peu après la fin de la Guerre Centaurienne, le Manifeste du Vide est attribué à une ancienne pilote de la Flotte Terrienne, Yana Poska, connue sous son nom d’escadrille Raven. Témoin direct de la militarisation totale de la société humaine et de la fondation de l’UEF, elle rédige ce texte à la fois comme acte de témoignage moral et refus philosophique du nouvel ordre fédéral.

Dans un monde où l’humanité, traumatisée par la guerre, s’est unie sous un régime technocratique autoritaire, le manifeste constitue une hérésie. Il rejette la doctrine de l’unité imposée, la glorification du devoir et la foi aveugle dans la survie collective. À travers une série de fragments poétiques et politiques, Poska y développe une vision anti-totalitaire, anti-impérialiste et profondément humaniste : la liberté n’y est plus un droit accordé par l’État, mais une loi naturelle du vivant, renaissant partout où le contrôle cherche à l’étouffer.

Banni dès sa diffusion, le texte circule clandestinement parmi les équipages, les colonies isolées et les cercles dissidents de l’espace périphérique. Les autorités de l’UEF le classent comme “écrit subversif à haute charge idéologique”, sa simple détention pouvant mener à la déportation. Malgré cela, le *Manifeste du Vide* traverse les siècles, recopié, fragmenté et réinterprété.

Deux siècles plus tard, il devient la base philosophique et morale de la dissidence de la Bordure Extérieure, inspirant les premiers penseurs radicaux et révolutionnaires de l’Alliance des Systèmes Libres. Dans cet univers où l’ordre galactique repose sur la peur et la centralisation, ses mots —

“Tout finit par rouiller, sauf la liberté.”

restent gravés sur les coques des vaisseaux libres comme le symbole d’une insoumission tranquille face à l’impérialisme de la Fédération Galactique.

Préambule

Nous avons vu deux mondes brûler.
L’un par orgueil, l’autre par peur.
Nous avons obéi, puis refusé d’obéir.
Nous avons aimé, et cet amour seul nous a sauvés.
L’espace n’appartient à personne.
Il n’existe ni frontière, ni loi légitime dans le Vide.
Tant qu’un être respire sans asservir un autre, il est libre — et le Vide le reconnaît pour sien.

Fragment I — La nature de la liberté

La liberté est une idée pure.
Elle apparaît spontanément là où l’ordre cherche à l’étouffer.
Elle n’est ni un droit, ni un privilège : elle est la forme que prend la vie lorsqu’on cesse de la contraindre.
Aucun empire ne peut la dompter.
Aucun système ne peut l’abolir.
Elle renaît dans chaque souffle, dans chaque refus, comme la lumière filtrant à travers les fêlures du monde.

Fragment VII — Le refus du devoir aveugle

Obéir sans comprendre, c’est mourir deux fois : une fois dans le corps, une fois dans l’esprit.
Le devoir n’a de sens que lorsqu’il est choisi.
Le courage n’existe que lorsqu’il s’oppose à la peur.
Ne suivez jamais la voix qui ordonne de cesser d’être humain.
Car c’est par cette voix que naissent les abîmes.

Fragment IX — La mémoire des vivants

Ce que nous avons vu, nous en sommes responsables.
Les crimes de l’humanité ne s’effacent pas avec le temps.
Ils s’enfouissent, puis reviennent, déguisés en nécessité.
Ceux qui survivent doivent se souvenir, non pour haïr, mais pour empêcher la répétition du mensonge.

Fragment XII — Le Vide

Dans le Vide, il n’y a ni maître ni esclave.
Le Vide n’obéit qu’à la trajectoire qu’on choisit.
Le Vide n’est pas absence : il est commencement.
Il n’est pas le néant : il est la possibilité.
Celui qui l’accepte n’a plus peur, car il sait que rien ne dure, et que tout recommence.

Fragment XIV — La pureté de la liberté

Il y aura des temps où la lutte semblera impossible.
Seul. Effrayé. Écrasé par le poids de la tyranie.
Souvenez-vous de ceci :
La liberté est une idée pure.
Elle naît d’elle-même, comme une flamme sous la pluie.
Elle commence à l'instant même où l'esprit accepte de refuser l'inacceptable.
Aucun ordre ne peut l’éteindre, car chaque souffle d’oppression la nourrit.

Fragment XVII — L’amour comme résistance

Nous avons aimé dans le bruit des bombes, et cet amour seul était vrai.
L’amour n’est pas faiblesse.
Il est la seule forme de liberté que le pouvoir ne peut dompter.
Aimer, c’est refuser la mécanique du monde.
Aimer, c’est affirmer que le vivant a plus de valeur que la victoire.

Fragment XIX — L’érosion du pouvoir

Souvenez-vous de ceci :
L’obsession du pouvoir pour le contrôle est si violente parce qu’elle n’a rien de naturel.
L’autorité et la tyrannie demandent un effort de maintien constant.
Mais il est des réalités qu’aucun tyran, qu’aucun système, ne pourra jamais éradiquer :
Tout système est amené à s’éroder.
Toute autorité arbitraire s’effondrera sous le poids de son effort pour combattre la loi naturelle.
La tyrannie, l’obsession du contrôle, reflètent en réalité la peur du tyran lui-même.
Et lorsqu’on fait le choix de vivre, d’aimer, l’illusion de contrôle du tyran s’effondre.
Et alors, le plus petit refus, la plus infime des désobéissances, devient un acte révolutionnaire.

Fragment XXI — Le serment des voyageurs

Ceux qui partent n’ont pas fui.
Ils ont choisi.
Chaque vaisseau est un monde, chaque équipage une nation.
Nous ne promettons pas d’être purs, seulement de ne jamais cesser de choisir.
Et dans le silence des étoiles, nous jurons ceci :
Vivre, même si le monde ne le permet plus.

Épilogue — La trace et l’érosion

Tout finit par rouiller, sauf la liberté.
Les empires tomberont, les flottes se consumeront, les noms seront effacés.
Mais quelque part, dans un coin du Vide, deux âmes continueront à voler, portées par le souffle de ceux qui ont compris.

Car tant qu’un être choisira de vivre sans haïr, le monde aura encore une chance.

Héritage

Le Manifeste du Vide est aujourd’hui reconnu comme l’un des textes les plus influents de la dissidence humaine, bien que sa portée réelle dépasse largement la politique. Rédigé dans le chaos qui suivit la Guerre Centaurienne, il n’était pas destiné à fonder un mouvement, mais à préserver la conscience humaine dans un monde gouverné par la peur et la propagande. Yana Poska n’y proposait aucune société idéale : elle y traçait une voie intérieure, une éthique de survie morale et individuelle fondée sur la lucidité, le choix et l’amour comme derniers refuges contre la déshumanisation de son temps. Son autrice a vécu deux guerres traumatisantes — la Guerre d'Orion puis la Guerre Centaurienne — et assisté à l’effondrement des gouvernements humains, à la militarisation totale de l’appareil de l’UEC puis à la prise de pouvoir autoritaire de l’UEF. Le Manifeste du Vide est le reflet direct de cette époque de chaos et de désillusion.

Pourtant, au fil des siècles, le Manifeste fut réinterprété, codifié, et parfois trahi. Les colons de la Bordure Extérieure en firent un texte de résistance collective, un socle spirituel commun face à la centralisation galactique. Ce glissement donna naissance à l’Alliance des Systèmes Libres, qui transforma la philosophie intime et individuelle de Raven en une idéologie politique confédérale. Là où Poska prônait la liberté intérieure, l’ASL chercha à l’institutionnaliser — tentant de bâtir un ordre sur une idée conçue pour n’appartenir à personne. Ce paradoxe devint le cœur de son identité : fragile, sincère, et condamnée à l’érosion qu’elle refusait d’admettre.

Malgré ces détournements, l’esprit du Manifeste a survécu. Dans la Bordure, il reste avant tout un guide de vie : un rappel que la liberté commence dans le refus de l’inacceptable, et que le pouvoir n’a d’emprise que sur ceux qui acceptent d’obéir sans comprendre. Ses fragments circulent encore parmi les équipages indépendants, récités comme des prières avant le départ, peints sur les coques des vaisseaux libres ou murmurés dans les bars de transit.

Références croisées


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