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Rédigé en 2167, peu après la fin de la Guerre Centaurienne, le Manifeste du Vide est attribué à deux anciens pilotes de la Flotte Terrienne, Yana Poska et Rafael Brancaleone, connus sous leurs noms d’escadrille Raven et Red. Témoins directs de la militarisation totale de la société humaine et de la fondation de l’UEF, ils rédigent ce texte à la fois comme acte de témoignage moral et refus philosophique du nouvel ordre fédéral.
Dans un monde où l’humanité, traumatisée par la guerre, s’est unie sous un régime technocratique autoritaire, le manifeste constitue une hérésie. Il rejette la doctrine de l’unité imposée, la glorification du devoir et la foi aveugle dans la survie collective. À travers une série de fragments poétiques et politiques, Poska y développe une vision anti-totalitaire, anti-impérialiste et profondément humaniste : la liberté n’y est plus un droit accordé par l’État, mais une loi naturelle du vivant, renaissant partout où le contrôle cherche à l’étouffer.
Banni dès sa diffusion, le texte circule clandestinement parmi les équipages, les colonies isolées et les cercles dissidents de l’espace périphérique. Les autorités de l’UEF le classent comme “écrit subversif à haute charge idéologique”, sa simple détention pouvant mener à la déportation. Malgré cela, le *Manifeste du Vide* traverse les siècles, recopié, fragmenté et réinterprété.
Deux siècles plus tard, il devient la base philosophique et morale de la dissidence de la Bordure Extérieure, inspirant les premiers penseurs et révolutionnaires de l’Alliance des Systèmes Libres. Dans cet univers où l’ordre galactique repose sur la peur et la centralisation, ses mots —
“Tout finit par rouiller, sauf la liberté.”
restent gravés sur les coques des vaisseaux libres comme le symbole d’une insoumission tranquille face à l’impérialisme de la Fédération Galactique.
Nous avons vu deux mondes brûler.
L’un par orgueil, l’autre par peur.
Nous avons obéi, puis refusé d’obéir.
Nous avons aimé, et cet amour seul nous a sauvés.
L’espace n’appartient à personne.
Il n’existe ni frontière, ni loi légitime dans le Vide.
Tant qu’un être respire sans asservir un autre, il est libre — et le Vide le reconnaît pour sien.
La liberté est une idée pure.
Elle apparaît spontanément là où l’ordre cherche à l’étouffer.
Elle n’est ni un droit, ni un privilège : elle est la forme que prend la vie lorsqu’on cesse de la contraindre.
Aucun empire ne peut la dompter.
Aucun système ne peut l’abolir.
Elle renaît dans chaque souffle, dans chaque refus, comme la lumière filtrant à travers les fêlures du monde.
Obéir sans comprendre, c’est mourir deux fois : une fois dans le corps, une fois dans l’esprit.
Le devoir n’a de sens que lorsqu’il est choisi.
Le courage n’existe que lorsqu’il s’oppose à la peur.
Ne suivez jamais la voix qui ordonne de cesser d’être humain.
Car c’est par cette voix que naissent les abîmes.
Ce que nous avons vu, nous en sommes responsables.
Les crimes de l’humanité ne s’effacent pas avec le temps.
Ils s’enfouissent, puis reviennent, déguisés en nécessité.
Ceux qui survivent doivent se souvenir, non pour haïr, mais pour empêcher la répétition du mensonge.
Dans le Vide, il n’y a ni maître ni esclave.
Le Vide n’obéit qu’à la trajectoire qu’on choisit.
Le Vide n’est pas absence : il est commencement.
Il n’est pas le néant : il est la possibilité.
Celui qui l’accepte n’a plus peur, car il sait que rien ne dure, et que tout recommence.
Il y aura des temps où la lutte semblera impossible.
Seul. Effrayé. Écrasé par le poids de la tyranie.
Souvenez-vous de ceci :
La liberté est une idée pure.
Elle naît d’elle-même, comme une flamme sous la pluie.
Elle commence à l'instant même où l'esprit accepte de refuser l'inacceptable.
Aucun ordre ne peut l’éteindre, car chaque souffle d’oppression la nourrit.
Nous avons aimé dans le bruit des bombes, et cet amour seul était vrai.
L’amour n’est pas faiblesse.
Il est la seule forme de liberté que le pouvoir ne peut dompter.
Aimer, c’est refuser la mécanique du monde.
Aimer, c’est affirmer que le vivant a plus de valeur que la victoire.
Souvenez-vous de ceci :
L’obsession du pouvoir pour le contrôle est si violente parce qu’elle n’a rien de naturel.
L’autorité et la tyrannie demandent un effort de maintien constant.
Mais il est des réalités qu’aucun tyran, qu’aucun système, ne pourra jamais éradiquer :
Tout système est amené à s’éroder.
Toute autorité arbitraire s’effondrera sous le poids de son effort pour combattre la loi naturelle.
La tyrannie, l’obsession du contrôle, reflètent en réalité la peur du tyran lui-même.
Et lorsqu’on fait le choix de vivre, d’aimer, l’illusion de contrôle du tyran s’effondre.
Et alors, le plus petit refus, la plus infime des désobéissances, devient un acte révolutionnaire.
Ceux qui partent n’ont pas fui.
Ils ont choisi.
Chaque vaisseau est un monde, chaque équipage une nation.
Nous ne promettons pas d’être purs, seulement de ne jamais cesser de choisir.
Et dans le silence des étoiles, nous jurons ceci :
Vivre, même si le monde ne le permet plus.
Tout finit par rouiller, sauf la liberté.
Les empires tomberont, les flottes se consumeront, les noms seront effacés.
Mais quelque part, dans un coin du Vide, deux âmes continueront à voler, portées par le souffle de ceux qui ont compris.
Car tant qu’un être choisira de vivre sans haïr, le monde aura encore une chance.
Le *Manifeste du Vide* est considéré comme le texte fondateur des dissidences de la Bordure Extérieure. Recopié, traduit et modifié au fil des siècles, il devint la base morale de l’Alliance des Systèmes Libres, ainsi qu’un symbole de résistance face au pouvoir technocratique du Conseil Galactique et de la Fédération Galactique.
Dans la culture populaire, il est récité lors des cérémonies d’embarquement des vaisseaux indépendants, et gravé sur certaines coques sous la forme abrégée :
Tout finit par rouiller, sauf la liberté.
Fragments retrouvés dans les archives de la Bordure, attribués à Raven Poska, dernière révision datée du Cycle 232.13.
J’ai cru, jadis, que la liberté était un feu éternel.
Aujourd’hui, je sais qu’elle est une braise fragile.
La liberté n’est pas un don de la nature, mais une lutte contre la peur.
L’ordre, la loi, le contrôle — tout cela naît du même ventre : la peur de mourir.
Si vous voulez rester libres, ne méprisez pas ceux qui cherchent la sécurité.
Comprenez-les, car vous portez en vous la même peur.
Mais n’y cédez jamais.
Rien n’est libre dans la nature.
La graine obéit à la gravité, la mer au vent, et les étoiles à leur propre chute.
Pourtant, dans cet enchaînement parfait, il existe une chose que rien ne commande : le choix.
Le choix est la seule forme de liberté que la vie tolère.
Il n’est pas constant, il n’est pas absolu — il est un instant, une ouverture.
Mais c’est dans cet instant que tout le reste trouve un sens.
Le pouvoir n’est pas toujours tyrannique.
Il naît aussi de la nécessité de protéger, d’organiser, de survivre.
Ce n’est pas le pouvoir qui corrompt, mais la peur de le perdre.
Gardez le pouvoir tant qu’il sert la vie.
Abandonnez-le dès qu’il commence à la craindre.
Refuser, oui — mais refusez en sachant ce que vous brisez.
Toute désobéissance a un coût, et la liberté d’un seul peut détruire celle d’un autre.
La révolte n’est pas pure ; elle est un feu qui doit être contenu par la conscience.
Si vous désobéissez, faites-le avec respect.
Que votre refus soit un acte de lucidité, pas de colère.
L’amour ne sauvera pas le monde, mais il peut sauver celui qui aime.
Il n’est pas la solution à la tyrannie ; il est sa limite.
Aimer, c’est reconnaître en l’autre ce que le pouvoir nie : la vulnérabilité.
Là où la peur ordonne de se défendre, l’amour ordonne de comprendre.
Ce n’est pas un acte de faiblesse, mais de lucidité.
Entre l’ordre et le chaos, il n’y a pas de victoire.
L’ordre sans mouvement devient pierre, le chaos sans forme devient cendre.
La liberté véritable n’est ni l’un ni l’autre :
elle est le point de bascule, l’instant fragile où la vie choisit encore.
Les empires tombent, oui, mais les hommes les reconstruisent.
L’érosion du pouvoir n’est pas une fin : c’est un cycle.
Tant que la peur renaîtra, le contrôle renaîtra aussi.
Alors, ne croyez pas en la fin des tyrannies.
Croyez seulement que, face à elles, l’esprit libre renaîtra toujours.
Le Vide n’est ni maître ni refuge.
Il est le miroir de ce que nous sommes :
changeants, éphémères, imparfaits.
La liberté n’est pas une pureté, mais une vigilance.
Elle ne vit pas dans le refus, mais dans l’attention constante à ne pas devenir ce qu’on combat.
Souvenez-vous de ceci :
la liberté n’est pas un état du monde —
c’est un travail de chaque instant, dans le cœur des vivants.