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La Fédération Terrienne Unifiée (UEF) naquit des cendres de la Guerre Centaurienne, dans un monde ravagé, traumatisé et profondément instable. Présentée comme la seule garantie de la survie de l’espèce humaine, l’UEF s’imposa comme l’héritière directe de l’UEC, qui, au nom de la reconstruction, conserva les pleins pouvoirs d’exception acquis pendant la guerre. Ce fut moins une fondation qu’une mutation : l’humanité, épuisée, troqua la liberté contre la stabilité, et la peur devint doctrine.
La Guerre du premier contact (2155–2164) laissa la Terre et ses colonies dans un état de chaos total. Face à la menace d’extinction, l’United Earth Command avait été investi de pouvoirs absolus : suspension des constitutions, militarisation des industries, contrôle des ressources et de l’information. Une fois la guerre gagnée, ces mesures d’exception furent conservées. Au nom de la vigilance et de la survie, l’état d’urgence devint le nouvel ordre du monde.
Les institutions civiles rémanantes des Nations Unies et du Pacte Eurasiatique, désorganisées ou détruites, furent accusées d’incompétence. Les populations, brisées par les pertes et dépendantes du rationnement, ne s’y opposèrent pas. L’UEC apparaissait comme le dernier pilier encore debout. C’est dans ce silence collectif, plus que par la force, que la liberté individuelle mourut.
Pour consolider son autorité, l’UEC mena une vaste campagne de légitimation morale. Elle accusa les anciens gouvernements d’avoir failli dans leur devoir sacré de protection. Des procès spectaculaires eurent lieu, accusant d’anciens dirigeants de “sabotage stratégique” ou de “collusion avec l’ennemi”. Ces purges, diffusées en direct, servirent à réécrire la guerre : désormais, le désastre était la faute des civils, pas de l’armée. L’humanité, honteuse de son impuissance, traumatisée après avoir frolé l'exctinction, accepta l’uniforme comme symbole d’ordre et de salut.
Affaiblies par le conflit mais toujours influentes, plusieurs multinationales virent dans la formation d'un gouvernement autoritaire un danger existentiel. Elles entreprirent alors des mutation profondes, certaines entités, comme Exogen ou Novatech, fusionnèrent pour consolider leur pouvoir fondant les premières megacorporations galactiques.
Elles apportèrent alors leur soutien financier et technologique à la nouvelle structure fédérale, en échange d’une place privilégiée dans la reconstruction. Ce pacte scella la fusion du pouvoir militaire, industriel et technocratique. L’UEF devint ainsi un compromis autoritaire entre la discipline de l’armée et la logique des marchés.
L’idéologie fondatrice de l’UEF se résume en un slogan :
“Plus jamais ça.”
L’unité humaine fut présentée comme un devoir civilisationnel, non comme une option politique. La guerre, rebaptisée “Grande Épreuve”, devint un mythe structurant. La propagande glorifia les “Martyrs de Sol” et les “Gardiennes de l’Aube”, transformant la douleur collective en ferveur morale. Ainsi, l’UEF ne se présenta jamais comme une dictature, mais comme la cure nécessaire à la folie de l’humanité divisée. La peur du chaos remplaça la foi en la liberté. L’obéissance devint une vertu, et la survie, une religion.
En 2165, l’UEF fut officiellement proclamée. Le Conseil Fédéral de Reconstruction, dominé par les officiers de l’UEC et les technocrates civils, prit le contrôle intégral du gouvernement humain. La nouvelle constitution fédérale fut rédigée sans consultation publique et imposée à l’ensemble des colonies. Toutes les anciennes institutions démocratiques furent dissoutes au nom de “l’efficacité administrative”.
Les colonies extra-solaires furent placées sous loi martiale, officiellement pour prévenir toute fragmentation politique. Face à la puissance retrouvée de la Flotte Terrienne et à son armement issu du Protocole Vantir, les velléités indépendantistes d’avant-guerre se turent rapidement. En moins d’une décennie, l’unité humaine ne fut plus un idéal, mais un fait accompli — garanti par la peur.
La planète de New Hope devint le nouveau centre politique de la civilisation humaine, tandis que la Terre fut transformée en planète-mémorial, sanctuaire des morts et vitrine symbolique de l’unité retrouvée. L’ancien berceau de l’humanité cessa d’être un foyer vivant : il devint une relique.
La création de l’UEF ne fut pas seulement un tournant politique : ce fut une rupture spirituelle. L’humanité avait survécu, mais au prix de ce qui faisait son essence. Le libre arbitre, la responsabilité morale, la diversité des pensées furent remplacés par un nouvel impératif : obéir pour exister. La paix obtenue par la peur devint un modèle de gouvernement.
Les générations suivantes grandirent dans un monde où le souvenir de la guerre justifiait tout. L’enfant apprenait très tôt que la désobéissance conduisait à l’extinction. Ainsi naquit une civilisation disciplinée, rationnelle, et convaincue de sa propre vertu — une humanité qui avait fait de sa blessure sa doctrine.
L’UEF marque la fin d’un monde pluraliste et le début d’un ordre permanent : une humanité unie, centralisée et prête à tout pour ne jamais revivre la peur du passé. Mais en érigeant la survie en absolu, elle commit une faute morale irréversible : elle confondit la vie avec la soumission.
Des décennies plus tard, cette philosophie donnerait naissance à la Fédération Galactique — un empire technocratique né de la peur, persuadé d’incarner la raison. Et dans les marges oubliées de la galaxie, le souvenir de ce renoncement deviendrait la graine du Manifeste du Vide et de la dissidence de la Bordure Extérieure.
“L’UEC avait sauvé le corps de l’humanité. L’UEF en a perdu l’âme.”