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En 2161, au plus fort de la Guerre du Premier Contact, l’humanité était au bord de l’extinction. Les flottes centauriennes avaient franchi le système Sol et dévasté plusieurs colonies majeures. Les Nations Unies et le Pacte Eurasiatique ayant cessé d’exister, les forces humaines furent unifiées dans l’urgence sous la bannière de l’United Earth Command.
Malgré cette union, la situation restait désespérée. Les armes conventionnelles s’avéraient inefficaces face à la technologie bio-organique des Centauriens, et la chute de la Terre semblait inévitable.
C’est à ce moment que survint le premier contact officiel entre l’UEC et les Banthuriens, une espèce avancée vivant dans les régions extérieures du Bras de Persée. Observateurs discrets du conflit, ils comprirent que si les Centauriens n’étaient pas arrêtés, leur propre frontière serait la suivante.
Les discussions entre les représentants banthuriens et les officiers de l’UEC aboutirent à la signature du Protocole Vantir, nommé d’après la station orbitale où eut lieu la rencontre. Officiellement, il s’agissait d’un accord d’assistance technologique limitée. En réalité, il s’agissait d’un transfert massif de connaissances et de biomatériaux — une coopération inédite entre deux espèces rationnelles, fondée sur la peur plutôt que la confiance.
Les Banthuriens fournirent :
En échange, l’UEC s’engagea à employer ces armes de manière défensive contre les Centauriens, et à détruire toute trace du programme une fois la guerre terminée. Aucun de ces engagements ne fut respecté.
Le Protocole Vantir fut activé en 2162, lors de la Bataille du Siège de Sol, dernière phase de la Guerre Centaurienne. Les technologies banthuriennes, initialement conçues pour des destructions ciblées et réversibles, furent détournées par les ingénieurs humains de l’UEC afin d’en faire des armes de destruction massive. Là où les Banthuriens cherchaient la neutralisation, les humains les utilisèrent de manière génocidaire.
Ces armes, fondées sur la manipulation bio-synaptique, provoquèrent des réactions en chaîne dans les flottes centauriennes : des essaims entiers s’effondrèrent en quelques heures, leurs structures vivantes se désintégrant dans une tempête de cris et de lumière. Les observateurs banthuriens rapportèrent un phénomène qu’ils nommèrent plus tard le Cri du Vide — un écho psychique de souffrance si intense qu’il aurait pu être perçu à plusieurs années-lumière de distance. Pour beaucoup, ce fut le moment où le silence de la galaxie se brisa.
Les Centauriens furent repoussés hors du système Sol, mais l’UEC refusa d’en rester là. Dans une logique de vengeance totale, les flottes humaines franchirent la frontière centaurienne et poursuivirent les survivants jusqu’à l’effacement complet de leurs essaims. L’humanité ne leur reconnut jamais pleinement le statut d’espèce consciente — les Centauriens n’étaient plus perçus que comme une menace biologique à éradiquer.
Ce fut la première extermination interstellaire documentée de l’histoire. Les Banthuriens, témoins impuissants, furent terrifiés par l’ampleur du massacre. Ils comprirent trop tard qu’en voulant sauver la galaxie d’une espèce prédatrice, ils avaient offert à une autre les outils pour le devenir.
Les Banthuriens, horrifiés par l’usage qui fut fait de leurs armes, se retirèrent du conflit dès la fin de la guerre. Conscients d’avoir libéré une force qu’ils ne contrôlaient plus, ils effacèrent toute mention publique de leur implication. Ce secret, connu plus tard sous le nom de Faute Banthurienne, devint l’un des tabous diplomatiques les plus lourds de l’histoire galactique.
Chez les Banthuriens, le Protocole Vantir est encore perçu comme un péché d’omission morale : avoir laissé une espèce plus jeune porter à leur place la responsabilité du sang versé. Chez les humains, il fut au contraire glorifié — puis rapidement effacé des archives officielles. Ce déni collectif facilita la transition idéologique vers l’UEF : la survie était devenue la seule mesure du bien.
Le Protocole Vantir marque le point de non-retour de l’histoire humaine. En offrant à l’UEC les outils nécessaires à la victoire, il transforma la guerre en un acte absolu — sans remords, sans mesure, sans retour possible. Les doctrines militaires, les structures de commandement et les technologies de contrôle de masse issues du protocole devinrent la base du futur régime de l’UEF.
Des siècles plus tard, les dissidents de la bordure extérieure et les penseurs du Manifeste du Vide considéreront le Protocole Vantir comme le véritable acte de naissance de la tyrannie fédérale. Il représente, pour beaucoup, le moment où l’humanité a confondu survie et obéissance.
« Le Protocole Vantir a sauvé nos corps,
mais il a condamné nos âmes. »
— Fragment apocryphe attribué à Yana Poska